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L'importance de la conciliation en islam

Par Karim BOUZALGHA, Avocat au Barreau de Versailles, Médiateur diplômé de l’IFOMENE

(Institut de Formation à la Médiation et à la Négociation)

Il suffit d’observer notre quotidien, pour s’apercevoir que, malgré notre foi musulmane, nous rencontrons quotidiennement des situations conflictuelles : avec nos conjoints, nos enfants, notre famille, nos amis, nos voisins, nos collègues de travail, voire même avec des inconnus dans la rue, nous avons des litiges ou des désaccords. Et si ces désaccords ne sont pas résolus, le conflit éclate et peut basculer dans le ressentiment, la colère, ou la violence.

Le musulman n’échappe pas à cette réalité, inhérente à la vie en société où chaque individu cherche naturellement à exprimer sa volonté, ses intérêts et ses besoins. Car si nous ne pouvons pas éradiquer le conflit, nous pouvons apprendre à le gérer pacifiquement. Et, lorsque les deux parties n’arrivent pas à trouver la solution, alors il leur appartient de saisir un tiers qui se chargera de les concilier ou de trancher leur litige.

Le verset 9 de la sourate 49 « Al Hujurat » (Les appartements) dit à ce sujet :


« Et si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux. Si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle, jusqu'à ce qu'il se conforme à l'ordre d'Allah. Puis, s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables car Allah aime les équitables ».


Nous retrouvons aussi dans la Sunna des conciliations célèbres, telle que « Soulh al Hudaybiyya » (La conciliation de Hudaybiyya) ; mais aussi dans l’Histoire de la civilisation, comme la conciliation entre le Calife Ali Ibn Abi Talib et Mu'âwiyya lors de la bataille de Siffin en l’an 657. Et plus largement, il y a toujours eu dans les sociétés arabo-musulmanes des sages ou des qadi (juges) pour concilier les citoyens en conflit.

A chaque fois, il s’agit de résoudre amiablement un conflit en trouvant un accord mutuellement acceptable pour les deux parties. D’ailleurs, le verset précité tiré de la sourate « Les appartements » décrit parfaitement comment le musulman doit gérer les situations conflictuelles auxquelles il est confronté :


  1. D’abord, la tentative de conciliation préalable : « si deux groupes de croyants se combattent, faites la conciliation entre eux ». La tentative de conciliation est donc la première étape obligatoire lorsqu’il y un conflit.

  2. Ensuite, « Si l'un d'eux se rebelle contre l'autre, combattez le groupe qui se rebelle ». Dans un second temps, il s’agit de « combattre » le groupe qui se rebelle. Bien évidemment, le terme « combattre » ne doit pas s’entendre comme uniquement un combat armé (sauf légitime défense), mais comme toute action pour faire valoir son droit, notamment, une action en justice. Il est important de souligner que le « combat » (combat judiciaire), doit toujours être engagé après une tentative de conciliation, et que le combat n’est prescrit que si la tentative de conciliation a échoué. Il est donc prohibé de « combattre »directement sans avoir essayé une conciliation au préalable.

  3. Enfin, « s'il s'y conforme, réconciliez-les avec justice et soyez équitables » ; Cette dernière partie du verset rappelle qu’à tout moment dans le cadre du combat judiciaire, il est possible de revenir sur un accord amiable, dans le respect de la justice et de l’équité. Le verset conclut clairement en indiquant qu’Allah aime les équitables : c’est-à-dire qu’Allah préfère les « équitables » qui résolvent leurs conflits amiablement (en médiation et conciliation) par rapport à ceux qui utilisent le combat pour résoudre leurs conflits… Un beau rappel pour souligner que l’islam est avant tout une religion de paix !


En tant qu’avocat et médiateur, il est impressionnant de voir à quel point le code de procédure civile (CPC) reprend exactement la même structure de résolution des conflits en trois étapes. En effet, l’article 54 du CPC oblige les parties à justifier d’une tentative amiable (1) avant toute saisine du Juge (2), et les articles 127 et suivants rappellent qu’à tout moment (y compris en appel ou en référé), les parties peuvent revenir en conciliation ou en médiation pour résoudre amiablement leur conflit (3).

Il devient donc urgent pour notre communauté de rétablir la médiation comme le principal mode de résolution des conflits (divorce, séparation, licenciement, conflit de voisinage, conflit entre héritiers….), afin d’aboutir à la concorde fraternelle. (D’ailleurs, le verset suivant de la sourate les appartements indique : « Les croyants ne sont que des frères. Etablissez la concorde entre vos frères, et craignez Allah, afin qu'on vous fasse miséricorde »)

En conclusions, une célèbre histoire orientale illustre parfaitement comment la médiation peut nous permettre de résoudre amiablement tous nos conflits :


« Un vieil homme, à l'approche de sa mort, décide de partager son troupeau de 17 chameaux entre ses trois fils. L'aîné héritera de la moitié du troupeau, le cadet du tiers et le benjamin du neuvième. Confrontés à l'indivisibilité de 17 par 2, 3 et 9, les trois frères vont trouver le sage du village. Celui-ci, fin médiateur, leur propose une solution qui, sans avoir recours à une boucherie, respecte les volontés du vieil homme.

Le sage leur prête un chameau. Nous avons donc maintenant 18 chameaux. L'aîné héritera de la moitié, soit 9 chameaux. Le cadet héritera du tiers, soit 6 chameaux. Le benjamin héritera du neuvième, soit 2 chameaux. Le total de l'héritage s'élève à 17 chameaux. Sur ce, le sage récupère le chameau prêté ».


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