La zakât, ce pilier méconnu de l’islam
(Article rédigé par Cheikh Mustafa Kastit, Bruxelles)
S’il y a un pilier de l’islam qui demeure, de nos jours, encore assez méconnu c’est bien celui de la zakât. Troisième pilier du message muhammadien, comme l’atteste ce hadith rapporté par al-Bukhârî et Muslim d’après ‘Abd Allah Ibn ‘Umar : « L’islam fut bâti sur cinq piliers : l’attestation qu’il n’y a de divinité que Dieu et que Muhammad est Son Messager, l’accomplissement de la prière, l’acquittement de la zakât et se rendre au pèlerinage pour qui en a les moyens. » ; il est le grand oublié de la communauté. En effet, encore aujourd’hui, il n’est pas rare de voir des musulmans le confondre avec l’aumône (al-sadaqa) ou l’impôt civil, voire ignorer, hélas, profondément ses prescriptions et les principes généraux du droit musulman qui le fondent.
C’est d’ailleurs pour cette raison et pour palier cette méconnaissance que j’avais débuté il y a quelques années, et plus précisément en 2018, la rédaction d’un ouvrage pleinement dédié à la zakât qui parut wa-l-hamdulillâh en mars 2022. Cela dit, je dois l’avouer, le défi était immense et la tâche ardue.
Effectivement, l’idée qui me taraudait l’esprit, lors de la préparation du plan de rédaction de ce livre, n’était pas de coucher sur papier une présentation classique de la zakât et des prescriptions religieuses qui la cadrent comme on le fait si bien lorsque l’on dispense un cours, de rappels voire parfois de conférences. Ce que j’ambitionnais était de produire une approche nouvelle de ce pilier important qui devra s’intéresser non seulement à l’histoire de l’institution de la zakât et de son évolution en tant que fonds public devant servir la communauté, mais aussi à sa dimension spirituelle et éthique, très peu évoquée, malheureusement, de nos jours.
Les défis que devra relever la zakât dans les années et décennies à venir constituèrent un autre volet important de mon ouvrage. Mais pour ce faire, il était important à mes yeux de prendre avant tout le pouls de la communauté quant au regard qu’elle porte sur la zakât et sur la manière de la verser à ses bénéficiaires. Cette expérience très enrichissante nécessita la mise en place d’un questionnaire auquel répondirent généreusement plus de trois mille personnes sondées. Il fallait ensuite soumettre ces réponses et les premières conclusions tirées de ce sondage à une analyse beaucoup plus fine et poussée afin de dégager les grandes tendances qui animent l’approche communautaire de ce pilier.
Cette dernière phase fut ensuite très importante pour moi car elle me permit de proposer des pistes de réflexion et des plans d’actions afin de rehausser le statut de ce pilier fondamental de l’islam et d’en faire un instrument efficace capable de relever les nombreux défis qui attendent nos communautés musulmanes d’Europe et d’Occident dans les prochaines décennies.
Un autre chapitre de mon livre reçut un soin particulier, il s’agit de celui du calcul de la zakât. En effet, depuis de nombreuses années j’ai pu observer de mes contacts avec les fidèles et leurs nombreuses questions autour de la zakât, combien son calcul demeure assez flou et confus. À mes yeux, il importait de remédier à cette situation en clarifiant les modes de calcul de la zakât en fonction du bien concerné (avoirs financiers, bijoux, activités commerciales…) selon un procédé qui se voulait le plus didactique possible. J’espère en tous les cas avoir aidé mes lecteurs dans ce sens.
Et vu que les questions autour de la zakât sont très nombreuses, j’ai procédé à un recensement des questions que j’avais reçues depuis des années de la part de fidèles. Je fis aussi appel à des recueils anciens et contemporains de fatwas consacrées à la zakât rédigées par d’éminents savants ou publiés par des conseils internationaux du droit islamique. Si le recensement fut assez facile, la formulation précise de ces fatwas et la traduction de celles issues de ce riche patrimoine juridique islamique ne furent point une partie de plaisir, car chaque terme utilisé par nos savants et juristes exigeait de ma part un véritable travail d’orfèvrerie où il fallait ‘‘tailler’’ les mots et termes utilisés de manière à ne pas trahir leur sens terminologique défini par ces dits savants tout en trouvant en français des équivalences de traduction qui restituent pleinement le sens voulu. Car vous connaissez l’expression : « Traduire, c’est trahir. », et c’est cet écueil que je voulus, un tant soi peu, éviter.
Ce chapitre de questions fréquemment posées au sujet de cette prescription importante qu’est la zakât regroupe plus de 100 questions classées selon un ordre thématique pour en faciliter l’approche.
Deux autres particularités majeures viendront compléter le tableau de ce livre. La première sera la contextualisation de nombreuses questions traitées de façon à ce qu’elles fassent écho à ce que rencontrent les musulmans d’Europe et d’Occident comme difficultés et défis dans l’exercice de ce devoir religieux.
La deuxième, quant à elle, mettra l’accent sur la nécessité de penser la zakât comme un levier permettant de lutter efficacement contre la pauvreté et de garantir à ses bénéficiaires une autonomie financière et matérielle les aidant, chemin faisant, à s’affranchir de toute forme de dépendance envers la collectivité via la formation à un métier, par exemple, que le financement via la zakât pourrait assurer. De même, l’investissement de la zakât sera également susceptible de participer à la promotion des projets de développement durable au Nord comme au Sud en plaçant l’individu et sa dignité au centre de ceux-ci tout en concourant au même moment à protéger l’environnement et les ressources naturelles que notre Seigneur a mis à sa disposition afin de l’aider à poursuivre l’œuvre qui justifie son existence ici-bas.
Comme nos lecteurs l’auront remarqué, l’ouvrage que je me permets de vous présenter à travers ces quelques lignes brasse de nombreuses questions et thématiques en espérant qu’il contribuera à éclairer davantage nos frères et sœurs à propos de ce pilier méconnu de l’islam, et à les conscientiser quant aux nombreuses opportunités de développement et d’épanouissement social et spirituel qu’offre une utilisation saine et un investissement intelligent de la zakât.
Puisse le Très Haut rendre cette œuvre utile et qu’Il nous pardonne nos manquements et imperfections.